D’un même mouvement, le public prend place lorsque Madame Isabelle De Coux, présidente de ce tribunal d’un jour, entourée de ses deux assesseurs en herbe, ouvre l’audience.
A la barre, trois prévenus, ils ont entre 14 et 15 ans. Tête basse, ils écoutent les faits qui leur sont reprochés. « Vous êtes poursuivis pour des faits de harcèlement, violences volontaires ayant entrainé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à 8 jours, (…) », leur lance la présidente.
Ce jeudi 23 mai, à l’occasion de la Journée nationale de l’accès au droit, le Conseil départemental de l’accès au droit du Finistère, organisait une introduction de la justice auprès des élèves du collège quimpérois de La Tour d’Auvergne à la faveur d’une journée consacrée à la reconstitution d’un procès fictif.
Pour cet événement, Monsieur Arnaud Borzeix, président du tribunal judiciaire de Quimper et du CDAD, se dotait de la casquette de metteur en scène au sein de la salle d’assises de la juridiction et orchestrait la performance de cette classe de 3èmes.
L’objectif, pleinement abouti, visait la sensibilisation de ces jeunes élèves au fonctionnement de l’institution judiciaire, en conciliant la dimension ludique de l’exercice au grand sérieux de la préparation et de la mise en pratique le jour J.
Un long parcours de sensibilisation
Projet porté par le CDAD du Finistère et présenté lors du dernier Conseil de juridiction du tribunal, cette cour fictive s’est minutieusement préparée depuis le début de l’année scolaire.
L’accompagnement des scolaires à la découverte du monde de la Justice est une des missions du CDAD, ce dernier a programmé dès le mois de septembre 2023 les échéances de préparation du projet.
Cette reconstitution a été le fruit d’un travail collectif mené sur plusieurs mois par les collégiens, avec le soutien et la participation de professionnels.
Madame Isabelle De Coux, juge des enfants au tribunal judiciaire de Quimper, Monsieur Matthieu Filié, substitut du procureur près ledit tribunal, Madame Julie Monfort, greffière à l’exécution des peines, Monsieur Clément Jouen, auditeur de justice, ainsi que Maîtres Tiphaine Le Cornec-Oelschlager & Nassera Hajji, avocates au barreau de Quimper.
Les élèves, investis, se sont répartis les autres personnages clefs : assesseurs, avocats de la partie civile et de la défense, victime et prévenus, experts, témoins, huissier audiencier, éducateur PJJ …, une occasion pour certains d’endosser la fameuse robe noire !
Avant cela, les élèves ont respecté un programme de sensibilisation à la justice. Ils ont ainsi pu bénéficier d’une immersion dans la juridiction quimpéroise en assistant à une audience correctionnelle.
Les collégiens ont ainsi pu percevoir comment se tenir à la barre, comment se déroulent les auditions, comment est formulé le récit des faits, pourquoi il est important de reconnaître ses erreurs, quelles sont les peines encourues, pourquoi la victime a besoin d’entendre une réponse judiciaire à ses souffrances.
Sous la houlette de Madame Stéphanie Lescop, professeure de français, la classe a ensuite travaillé à l’élaboration d’une trame de procès portant sur la thématique du harcèlement, avec différents personnages et selon différents actes de poursuites.
Il s’agissait de permettre aux élèves de reconstituer une audience en y participant de manière active. Chaque élève prend la place qui, d’un magistrat, qui, d’une victime, ou d’un prévenu, d’un avocat, d’un substitut, d’un témoin, d’un expert, etc…
L’objectif de ce fil rouge annuel était de sensibiliser les collégiens à la justice, au droit de la preuve et aux éléments concrets nécessaires au jugement d’un prévenu, d’une affaire. Il est également l’occasion de les familiariser avec les notions de base du fonctionnement de la justice en France, mais surtout de les faire réfléchir à leur rôle au sein du collège et en tant que futurs citoyens d’un Etat de droit.
Au cours de l’année, des professionnels sont intervenus en classe afin d’apporter expertise et expérience aux élèves.
Ainsi accompagnés, les collégiens ont, au fil des mois, imaginé la trame de l’affaire de A à Z pour les mener à cette reconstitution. Les « auteurs, parties-civiles, avocat, parquetiers » en herbe se sont distingués en rendant les débats intéressants et animés. Le public a notamment été conquis par la plaidoirie convaincante et convaincue de la jeune avocate de la partir civile.
Un procès fictif face à un mal réel
Politique prioritaire du ministère de la justice, la lutte contre le harcèlement scolaire était la thématique de cette reconstitution.
Harcèlement, insultes, humiliations, violences, sévices, cyber harcèlements conduisant à la dépression et au suicide. Ces mots ont résonné dans la salle des assises du tribunal, amenant chacun à s’interroger.
Pourtant au-delà d’une simple fiction, ces faits constituent le quotidien de nombreux élèves. Nombre d’entre eux ignorent la gravité de tels actes. Par ce projet, le CDAD s’est ainsi engagé à sensibiliser les élèves et à promouvoir la lutte contre le harcèlement scolaire.
Cette entreprise a permis d’ouvrir une réflexion collective avec les élèves sur la place des violences et du harcèlement au sein du collège. Il leur a fallu alors réfléchir à la réponse à apporter face au harcèlement et aux insultes, au rôle qu’ils jouent eux-mêmes au sein de leur établissement, ainsi qu’au rôle de la justice dans la société française.
Ils ont ainsi pu comprendre l’aspect social d’une peine et brasser des notions complexes (présomption d’innocence, non-assistance à personne en danger, définition de la violence et du harcèlement).
Enfin ce projet a préparé les élèves à agir comme de futurs citoyens en luttant contre les discriminations, tout en réaffirmant les bases de la solidarité au sein du collège comme microcosme, puis au sein de la société.