Ce n’est pas parce qu’un locataire n’est pas présent à l’état des lieux de sortie qu’il échappe aux réparations des dégradations qui y seraient mentionnées.
Retour sur un récent arrêt de la cour de cassation, en date du 7 septembre 2023, G 22-16- 172 qui juge que, même si l’état des lieux de sortie n’est pas contradictoire, le locataire peut être condamné aux paiements de réparations locatives.
Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Metz, 11 mars 2022), rendu en dernier ressort, Mme [P] (la caution) s’est portée caution solidaire des obligations de M. [L], locataire depuis le 23 novembre 2018 d’un logement dont la société civile immobilière Elopat (la SCI) est propriétaire. Postérieurement à la résiliation du bail, la SCI a assigné la caution en paiement de dégradations locatives.
La caution fait grief au jugement de la condamner au paiement d’une certaine somme au titre des dégradations locatives, alors « que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ; que l’incertitude et le doute doivent être retenus au détriment de celui qui a la charge de la preuve ; qu’en l’espèce, seul l’état des lieux d’entrée a été établi de manière contradictoire par la SCI Elopat et M. [L]; que pour réclamer à Mme [P], caution, une somme de 3 180 euros au titre de la réfection totale de l’appartement après le départ de M. [L], la SCI Elopat a versé aux débats un document intitulé » État des lieux – sortie » qu’elle avait établi de manière unilatérale hors la présence du locataire ou de la caution ainsi que des photos non datées dont il n’est établi ni qu’elles concernent l’appartement loué à M. [L], ni qu’elles constatent des dégradations intervenues au cours de la période de jouissance des lieux par ce dernier ; que Mme [P] a alors fait valoir devant le tribunal que » la preuve des dégradations n’est pas rapportée » dans la mesure où « à la lecture de l’état des lieux de sortie en date du 31 décembre 2019, ce dernier n’est pas signé le formulaire utilisé est différent de l’état des lieux d’entrée de sorte qu’il est difficile de comprendre les mentions
qui y sont apposées, le bailleur s’est cantonné à écrire une lettre (sans savoir à quoi elle correspond), et sans préciser pourquoi tel ou tel pièce ou élément du logement étaient dégradés ou insalubres.
De plus, y figurent des équipements (plaque de cuisson, frigo, radiateurs) qui n’étaient pas mentionnés dans l’état des lieux d’entrée et la différence de rédaction entre les deux états des lieux rend difficile toute comparaison.
Le tribunal apprécie souverainement ce qui lui est soumis, ont rappelé les juges de la Cour de cassation.
Le tribunal peut se contenter d’un état des lieux de sortie établi par le propriétaire seul, s’il y trouve suffisamment d’éléments pour juger qu’il existe des détériorations excessives qui ne seraient pas liées à l’usage normal ou à la vétusté.
En l’occurrence, l’état d’un appartement est un fait dont la preuve peut être apportée par tout moyen. Muni de l’état des lieux d’entrée, de la description du propriétaire après la sortie du locataire et des photographies, le tribunal a pu s’estimer suffisamment informé.
Ayant constaté que l’état des lieux d’entrée indiquait que les locaux avaient été loués en bon état ou dans un état d’usage, le tribunal, répondant aux conclusions prétendument délaissées en les écartant, a souverainement retenu qu’il résultait de la comparaison avec l’état des lieux de sortie établi non contradictoirement, selon lequel les locaux étaient en mauvais état, corroboré par les photographies versées aux débats par la SCI, que le locataire avait restitué les locaux avec des dégradations locatives qui ont eu lieu pendant sa jouissance. C’était au locataire sortant de prouver que ces dégradations, dont il doit en principe la réparation, n’étaient pas de son fait.